La jeune femme, brûlée vive par les Anglais à Rouen en 1431, est un symbole politique prisé. Connue pour avoir dirigé l’armée royale et “bouté” les Anglais hors de France en 1429, à 17 ans, Jeanne d’Arc a été utilisée à l’appui de presque toutes les idéologies politiques. Retour avec Olivier Bouzy, responsable du centre d’archives Jeanne‑d’Arc à Orléans, sur six cents ans de récupération politique.
« Depuis quand Jeanne d’Arc sert-elle de symbole politique à l’extrême-droite ?
Cette appropriation de Jeanne d’Arc comme symbole de la résistance française à l’envahisseur étranger date de 1890. Elle est l’œuvre de Charles Maurras, cet intellectuel d’extrême-droite qui fait de la figure de Jeanne d’Arc le summum du génie français face à la “batardisation” de l’esprit étranger. Il va ensuite transmettre cette idée au régime de Vichy. Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen n’ont fait que reprendre cette vision. Mais on observe aujourd’hui un reflux : depuis le film de Luc Besson Jeanne d’Arc, sorti en 1999, qui a été un succès populaire, les Français se sont réapproprié Jeanne d’Arc. Un homme de gauche comme Laurent Fabius a par exemple poussé à la construction d’un historial Jeanne‑d’Arc à Rouen (Seine-Maritime), inauguré en 2015.
Par quelles autres idéologies politiques Jeanne d’Arc a t‑elle été récupérée?
Jeanne d’Arc a été tour à tour une figure catholique, un symbole de gauche et une égérie féministe. Sous l’Ancien régime, on se souvient qu’elle a été guidée par des voix divines : elle est l’incarnation de l’amour que Dieu porte à la France. A partir de 1840, sous la plume de l’historien Jules Michelet, elle devient la petite fille de la mère patrie qui lutte à la place de la noblesse incapable. Jeanne d’Arc est alors une figure de gauche, qui sera invoquée par Jaurès ou même Thorez en 1945. Au début du 20e siècle, elle est même utilisée par le mouvement des suffragettes, ces femmes qui luttent pour le droit de vote. Aux Etats-Unis, certaines d’entre elles se déguisent en Jeanne d’Arc lors de manifestations.
Notre figure nationale, Marianne, allégorie de la République, est-elle inspirée de Jeanne d’Arc ?
Ce qui est sûr, c’est que l’iconographie de Marianne est une évolution de l’iconographie de Jeanne d’Arc. On sait aussi que les révolutionnaires girondins se sont beaucoup intéressés à la pucelle d’Orléans. Le glissement de Jeanne d’Arc à Marianne en y ajoutant l’idée de liberté est plus incertain. La popularité de Jeanne d’Arc, réelle à l’époque de la Révolution française, s’explique par le lien, peut-être la filiation, que les Français voyaient entre elle et la vierge Marie : très croyants, ils se sont attachés à une jeune femme chaste qui leur rappelait la mère de Jésus Christ. »
Crédit photo : Roger Salz CC BY SA